jeudi 26 juin 2008

-Eloge de la Fadeur...

-Je me suis souvent posé cette question:Comment peut- on faire l'éloge de ce qui n'a pas de goût?
Comment cette particularité si péjorative dans nos esprits occidentaux peut-elle être encensée par les maîtres de thés chinois?Et tout d'abord est ce que la" Fadeur chinoise" recouvre la même notion que la nôtre?Serait-ce un "malentendu" de traducteur tant il est difficile d'imaginer en buvant certains thés qu'on puisse un seul instant les qualifier de fades..?


J'ai parfois imaginé que cela n'était en fait qu'une transparence du goût du thé,"qu'à travers ou par dessus" les arômes du thé (aussi puissants puissent-ils être) subsistait le goût originel de l'eau. En quelque sorte une "limpidité gustative", comme si on goûtait l'eau à travers les trous d'une tranche d'émmental, tout en la mangeant.
Je ne sais pas si mon idée est juste ou pas, mais l'affaire ne me semble pas aussi saugrenue que çà; certains maîtres ayant encensé l'eau de tel ou tel torrent d'une façon qui ne prête vraiment pas à confusion.
Séchant complètement sur la question, je fais appel, amis(es) lecteurs, à vos connaissances...

18 commentaires:

geneviève meylan a dit…

en eau ma connaissance est basée sur les bonnes sources de montagne autour de chez moi mais c'est juste 1 petit gag au sujet des trous du gruyère : le gruyère n'a pas de trous !!!!! ce qu'on appelle gruyère et qui a de gros trous, c'est de l'Emmental ( eh oui, parole de Suisse)
Ps. sujet intéressant en effet mais j'attends les commentaires de lecteurs plus compétents

T.alain a dit…

@Ginkgo
Pour ne pas choquer d'avantage l'amour propre des nombreux Suisses qui viennent sur mon blog je remplace immédiatement "gruyère" par "emmental",et leur fait parvenir mes plus plates excuses....(joke)..merci Ginkgo).
Ceci dit j'attends moi aussi que quelqu'un éclaire ma lanterne...je n'ai jamais résolu ce mystère de fadeur...
Bonne dégustation pour ton futur ATGY-5,ravi de t'avoir donné envie d'en acheter.J'ai "testé" un DHP de la M3T,mais çà fait 3 jours que je tourne en rond autour du commentaire en faisant la danse des sioux...et je n'arrive pas à bien retranscrire mes impressions...

geneviève meylan a dit…

les mots sont souvent bien pauvres pour décrire les sensations, émotions, souvenirs, perceptions....
je viens de lire ta liste bibliographique et le dernier ouvrage traite du sujet. Le lis-tu ?il m'a l'air intéressant car traitant ceci en rapport avec l'art et le cuisine...
bon on attends les spécialistes....où sont-ils ??

T.alain a dit…

Le problème avec F Julien ,c'est qu'il est d'avantage un philosophe comparatiste que véritable sinologue.Il oppose pensée occidentale et chinoise instruisant souvent "à charge" un "procès littéraire" dont il fixe les règles afin d'aboutir à ses fins.D'ailleurs je vais relire un petit ouvrage:"J F Billeter contre F Julien" de JFB .Peut être que je trouverais quelque chose à me mettre sous la dent...

Anonyme a dit…

salut petit bohomme,j'ai mis ton blog sur mes favoris.en ce moment je n'ai pas le temps de trop le lire mais je te promais que je ferais.le mien est en stand by car j'ai du mal à écrire mais s'en soit sur je causerais de toi mùaintenat que j'ai ton lien
bisou
mikelkel de millau
ps:suis sur google
tape mikelkel de milauu suis le seul
big big bisou à vous deux

Anonyme a dit…

Il y a justement un passage sur l'approche du Dan (traduit par fade, fadeur), dans le petit livre de Billeter. Il part du terme chinois, Dan, pour montrer :
> que la traduction ne peut être "unique", et que la limitation conduit à une possible mésinterprétation par "réduction" (il reproche aussi à F. Jullien une vision "exotisante", "altérisante" à l'extrême de la culture chinoise)
> que la traduction pose le problème du repérage des concepts quand on passe d'une langue à une autre. Mais en posant "le mot X en langue A" = "le mot Y en langue B", et cela de façon dominante, on ne résoud pas tellement le problème du croisement du territoire sémantique.

(Billeter prend aussi d'autres exemples, dont celui bien connu du fameux tao.)

On peut lire des extraits de son livre en passant par une recherche dans google books : il suffit d'entrer dans google "billeter contre françois jullien", et dans les résultats on tombe sur le lien.
Pour trouver l'extrait où le Dan est évoqué, il faut scroller jusqu'à la p. 49.

T.alain a dit…

Merci Flo,une fois de plus "Huggy les bons tuyaux" sauve la mise à "Starsky et Hutch" qui étaient en vilaine posture (fin de l'intermède culturel américain).La fadeur n'en est pas une et peut aussi signifier:fin,leger,délicat,subtil,ténu,atténué...méfions nous des traducteurs.

VanessaV a dit…

Une bien belle question qu'il me faudra reposer.

T.alain a dit…

J'ai peut être un peu l'air de faire les questions et les réponses mais je viens de trouver quelque chose d'intéressant dans le livre de N Zufferey que je suis en train de lire.Les peintres chinois de la dynastie Song (960-1279)utilisaient la fadeur (en peinture paysagère monochrome ou presque) non comme fin mais comme moyen.Le fade pour montrer toutes les saveurs,pour ne pas insister sur une saveur particulière ou un détail précis:p218 sans couleur,sans saveur.."un peu d'encre noire -sans couleur- et d'eau -sans saveur-permet de représenter l'immense variété de paysages".Zufferey insiste:"une telle économie de moyens reflète la vision cosmologique selon laquelle toutes les choses descendent et participent d'une unité fondamentale...on se voit ici ramener à l'intérêt taoïste pour le vide"...

Anonyme a dit…

oui en effet il y a une notion positive de neutre, de vide. celles-ci, comme le silence, sont des signifiants à part entière. Une valeur qui n'est d'ailleurs pas absente de la culture occidentale (pour ne mentionner qu'une pensée récente, la perception comme phénomène différentiel --Vuillemin, Merleau-Ponty par ex., l'ensemble de la phénoménologie). mais dans "notre acception commune, le vide, l'absence, le silence, le neutre, sont des "riens", des insignifiants.

en cuisine chinoise, il me semble bien que le neutre est un goût. c'est aussi une "absorbance" : ainsi le tofu va absorber les saveurs voisines et produire une saveur distincte.
en photographie, la lumière, en peinture le blanc, sont des matières "neutres" qui jouent un rôle plein.

On peut donc parler de plusieurs sortes de "fadeur" :
>la fadeur neutre, signifiante ;
>la fadeur exhaustrice, qui absorbe et/ou valorise différentiellement, en faisant non pas une proposition de contraste par nature, mais une proposition de contraste par gradation (on se rapproche de la notion de fin, ténu, petit) ;
>la fadeur dévalorisée, que nous plaçons dans la zone basse (entre le zéro et le 1 ; sous le zéro, les "mauvaises saveurs" et les "mauvaises odeurs" seraient graduées en - : -1, -2...) sur l'échelle du goût.

Pour Billeter, F. Jullien n'a pas tort totalement sur le fond dans sa lecture de la fadeur : mais il ne l'ausculte pas dans toutes ses acceptions, il l'exotise (alors que les pensées orientales et occidentales sont loin d'être les unes aux autres étrangères, pour Billeter l'altérité n'est jamais irréfragable, elle est un phénomène différentiel) et tombe dans le travers de la "chinoiserie" --une vision de la culture chinoise et un réflexe hérités du XIXe.

D'un autre côté, toute culture exotise l'Autre : c'est là un effet de la curiosité, de l'étonnement, non ? l'étrange attise l'attirance, le mystère de la distance maintient et magnifie le désir...

Si tu en as l'occasion ,je te suggérerais volontiers de lire le Voyage à Java de Balzac (coll. Babel). On est en plein dans la magnification de l'exotisation --et en plus c'est d'une écriture très particulière, pour l'amateur de balzac c'est un objet de langage extra que ce texte. Le XVIIe a fait ça aussi avec l'Orient : Diderot, ou Voltaire, Crébillon, par exemple (procédé de métaphore morale ou politique par éloignement >>passage au conte et au contexte "radicalement autre").

quel est le titre de ton livre ?

(RAV, tu as eu mon mail ?)

Anonyme a dit…

le XVIIIe, voulais-je clavioter.

T.alain a dit…

-N Zufferey "introduction à la pensée chinoise" Marabout une révélation pour moi,je l'ai donné à lire à Flo (le mien)
Je n'ai pas eu de mail de ta part même dans les 'bloqués'...
sophieetalain@hotmail.fr
Merci encore pour tes commentaires très pointus.

T.alain a dit…

J'ai vérifié...j'ai rien eu du tout sinon laisse-moi ton mail,si tu veux j'effacerais le message après lecture.
Sinon,ce mois-ci je m'offre Lu Yu et un livre sur le thé et le taoisme.Le mois prochain peut-etre un Billeter sur Tchouang-tseu.
Ma démarche n'est pas mystique,je veux juste comprendre certains modes de pensée (ou tout au moins essayer).Seul,çà n'est pas évident,mais jusque-là je ne regrette pas mes choix en matière de livres.

Patrick a dit…

Sujet intéressant !
Je m'écarte un peu du point de départ (la fadeur), mais l'analogie avec la peinture ayant déjà été proposée par Alain, je signale la synthèse sur la notion de vide dans la pensée chinoise faite par François Cheng au premier chapitre de son ouvrage "Vide et plein - Le langage pictural chinois".

Ceci étant dit, mes lectures parcellaires et mon intérêt purement virtuel pour ces questions ne m'autorisent à proposer aucune réponse, et les débats Jullien/Billeter auraient même plutôt tendance à me faire fuir ; ne disposant pas des clés nécessaires, j'ai l'impression que c'est le dernier qui a parlé qui a raison, ça m'irrite...

En revanche, j'en reviens toujours à Tchouang-tseu lui-même, dont la lecture me paraît édifiante. Si j'en avais l'énergie, j'essaierais de comparer les traductions qu'on peut en trouver.

(Je crois que ceci est le premier commentaire que je laisse sur ton blog, Alain. J'en profite pour te dire que je le trouve vraiment très agréable et que l'on s'y sent bien !)

Anonyme a dit…

j'ai un lien tout sympa :

http://www.lacanchine.com/L_Cheng
-vide.html

là, on trouve quelques extraits du livre de François Cheng. Ce qui est très intéressant, c'est qu'il part des mots en chinois pour expliquer les notions, on a donc les éléments pour comprendre les traductions (attention ce sont des extraits, leur seule lecture ne constitue pas une explication exhaustive). Là aussi, retour au mot d'origine.

et puis, par curiosité il faut cliquer sur le bouton "retour sommaire" sur la page :
http://www.lacanchine.com/L_Cheng_0.html

là, on trouve des textes de F. Cheng sur Lacan. L'interview de février 1986 t'intéressera, Patrick ;) !

C'est juste un lien en passant, je n'ai pas fait de recherche "approfondie".

alain a dit…

@Patrick
A propos de Tchouang-tseu,quelle édition as-tu à disposition? Pour ma part,j'ai l'intention de m'offrir celle de Billeter,je ne sais pas si c'est une des meilleures...
Mes connaissances au sujet de la Chine sont réduites,j'écrit mes billets un peu au fil de l'eau,lorsqu'un sujet m'interressse ou m'interpelle(parfois avec maladresse),un peu comme je jeterai une bouteille à la mer,attendant parfois fébrilement une réponse ou un éclaircissement.
Pour le blog,je te remercie;çà me fais plaisir que tu t'y sentes bien...le tien est aussi bien agréable.

Patrick a dit…

Alain, je lis Tchouang-tseu dans la traduction de Liou Kia-hway, dans la collection "Connaissance de l'Orient" (Gallimard/Unesco). Mon exemplaire est déjà tout corné d'avoir été baladé partout. C'est vif et enlevé, toujours un plaisir.

Je m'en vais rapidement consulter le lien indiqué par Flo !

alain a dit…

@Patrick
Merci pour les références,je prendrais le Billeter...on pourra éventuellement comparer les traductions...les livres tout cornés sont beaucoup plus beaux que ceux ayant un aspect neuf...on y jette dessus un regard plein de tendresse.
@Flo
Merci pour le lien.Je passe de très bons moments à...te lire.